Aujourd’hui nous avons le plaisir de recevoir sur notre podcast, notre premier médecin endocrinologue, le docteur Cornu. Avec docteur Cornu nous avons abordé le thème des hormones et de l’acné. Beaucoup de vous nous parlent d’une acné hormonale.
Mais qu’est ce que ça veut dire concrètement une acné hormonale ? Est-ce forcément le résultat d’un déséquilibre hormonal? Pourquoi avons-nous des boutons avant ou pendant les règles ? Et les hommes dans tout ça ?
Docteur Cornu répond à toutes ces questions fascinantes avec énormément de clarté et de douceur ! Elle nous permet d’enfin comprendre un peu mieux ce sujet complexe des hormones. On ne vous en dit pas plus, place à Dr Cornu pour parler acné et hormones !
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un médecin endocrinologue ?
Un endocrinologue est un médecin spécialisé en endocrinologie. Il/Elle prend en charge les maladies liées à un excès ou à une insuffisance de production d’hormones, ce qu’on appelle plus communément les dérèglements hormonaux.
Les hormones sont des petits messagers qui circulent dans le sang et vont agir sur des organes cibles en se fixant à leur récepteur. Elles ont ainsi un rôle de régulateur. On dénombre à peu près une cinquantaine d’hormones principales.
Ces hormones sont sécrétées par les glandes endocrines, les plus connues étant :
- l’hypophyse (située sous le cerveau, qu’on appelle souvent le « chef d’orchestre » parce qu’elle régule d’autres glandes)
- la thyroïde (une petite glande en forme de papillon située au niveau du cou)
- les parathyroïdes (4 petites glandes situées en arrière de la thyroïde)
- les glandes surrénales (2 petites glandes situées au dessus des reins)
- mais aussi les testicules, les ovaires, le pancréas…
Pour donner des exemples, les maladies les plus fréquentes prises en charge sont : les maladies de la thyroïde (hyper ou hypothyroïdie, goitre, nodules, cancer), de l’hypophyse (adénomes), les problèmes de croissance, de puberté, de fertilité, de calcium et de diabète.
L’endocrinologue s’occupe également des problèmes de règles, de pilosité ou d’acné.
Comment diagnostique-t-on un déséquilibre hormonal avec un(e) endocrinologue ?
C’est une question très vaste ! La première chose à dire c’est qu’il n’existe pas de « check up » hormonal. On ne peut pas doser toutes les hormones, cela n’a aucun sens en médecine. Chaque dérèglement hormonal va être à l’origine d’un cortège de symptômes.
L’endocrinologue va s’aider de l’interrogatoire et de l’examen clinique de son patient pour savoir si les symptômes qu’il présente peuvent être en lien avec un dérèglement hormonal.
En fonction de ses hypothèses, il prescrira classiquement un premier bilan qui consiste souvent en une prise de sang avec des dosages de certaines hormones.
Dans un second temps, d’autres examens peuvent être nécessaires pour confirmer le diagnostic et pour préciser sa cause (en faisant alors d’autres prises de sang et/ou des examens d’imagerie comme une échographie, un scanner, ou une IRM).
Un point important, en particulier pour les dosages réalisés lorsque vous avez une peau à tendance acnéique : ils doivent être faits préférentiellement en début de cycle (c’est à dire entre le 2ème et le 5ème jour des règles) et sans prise de pilule depuis au moins 1 mois (voire plus pour certaines pilules).
En effet, la pilule va fausser les dosages, et on ne pourra pas interpréter ce qu’il se passe réellement dans l’organisme de la patiente.
Notre articlepilule et acné : quel lien ? peut sûrement t’en apprendre plus.
On parle beaucoup des hormones androgènes dans le cadre de l’acné. Pouvez-vous nous expliquer leur rôle ?
Les androgènes sont un groupe d’hormones qui ont un rôle « masculinisant ». Cependant, elles sont aussi très importantes chez la femme et sont produites en condition normale par les ovaires et par les glandes surrénales (les deux petites glandes situées juste au-dessus des reins), mais à des taux plus faibles que chez l’homme.
Par exemple, le taux de testostérone est 10 fois plus faible chez la femme que chez l’homme.
Les principaux androgènes sont la testostérone et la dihydrotestostérone, la delta 4 androsténédione et le SDHEA (Sulfate de Déhydroépiandrostérone).
Ces hormones vont agir au cours de la vie embryonnaire (pour le développement des organes génitaux), lors de la puberté (pour le développement de la pilosité, des organes génitaux et la mue de la voix) mais aussi à l’âge adulte (en particulier pour la vie sexuelle et la reproduction).
Il est important de mentionner également les œstrogènes, un autre groupe d’hormones fabriquées par les ovaires et les surrénales, et qui sont majoritaires chez les femmes. Une partie des œstrogènes est fabriquée à partir des androgènes et en particulier de la testostérone.
Les œstrogènes vont agir sur différents organes (seins, utérus, os, cœur et vaisseaux) mais aussi au niveau de la peau et avoir un effet plutôt bénéfique vis-à-vis de l’acné (rôle anti-sébum et anti-androgénique).
Pouvez-vous aussi nous parler de la progestérone ?
La progestérone est une hormone très importante, même capitale, au moment de la grossesse (gestation) : elle favorise la nidation de l’œuf en tout début de grossesse, permet le maintien de la gestation, prépare la glande mammaire à la lactation.
Elle aurait un petit rôle anti-androgène mais le lien avec l’acné n’est pas évident, ni majeur. Tout est question de bon équilibre, en particulier avec le taux d’œstrogènes.
Quelles sont les principales causes hormonales à rechercher en cas d’acné ?
Lorsque l’acné est isolée, il est finalement assez rare de trouver un dérèglement hormonal. Mais si l’acné est sévère ou associée à d’autres symptomes (comme un excès de pilosité, un trouble des règles), on va alors rechercher un excès de production d’androgènes.
Un excès de production d’androgènes peut être lié à :
- Un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : c’est un syndrome qui concerne environ 10% des femmes et qui est donc très fréquent. Les ovaires sont alors porteurs de multiples petits follicules immatures qui vont fabriquer une quantité excessive d’androgènes. Dans ce cas, un trouble des règles (allongement de la durée des cycles menstruels au-delà 35 jours) est souvent associé.
- De manière très exceptionnelle, cela peut être lié à une maladie des surrénales ou des ovaires, mais d’autres signes associés vont alors nous mettre sur la piste.
Si les dosages hormonaux sont normaux, ce qui est souvent le cas dans le cadre de l’acné, l’hypothèse principale est une hypersensibilité des récepteurs aux androgènes situés aux niveau de la peau. Avec un taux normal d’androgènes la réponse de la peau est alors excessive et peut donner de l’acné et/ou un excès de pilosité.
Notre article l’acné sévère t’en explique davantage.
L’hypersensibilité des récepteurs aux androgènes au niveau de la peau, est-ce génétique?
On dit que c’est constitutionnel c’est-à-dire que l’on naît avec cette prédisposition. On peut alors exprimer les signes dès la puberté mais cela peut aussi se manifester plus tard si un facteur favorisant s’ajoute, par exemple une prise de poids, un autre déséquilibre hormonal ou du stress.
Ce qui est intéressant dans ce cas d’hypersensibilité c’est que l’on retrouve souvent dans la famille des cas d’acné chez un parents voire les deux, ou des cas de calvitie précoce chez des hommes de la famille.
Concernant le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques), est-ce un syndrome qui se déclenche ou est-ce qu’on naît avec?
Ce syndrome est extrêmement fréquent et mérite un sujet à part entière! En général oui on naît avec et on vit avec, il n’y a pas de guérison.
Ceci dit, sauf dans des formes très sévères, on parle rarement de maladie pour ce syndrome. Il va se manifester soit dès la puberté, soit plus tard si un facteur favorisant s’ajoute, comme pour l’hypersensibilité aux androgènes.
Par exemple, une prise de poids peut révéler un SOPK qui serait passé inaperçu si le poids était inférieur. Dans le monde, la tendance est à une augmentation du surpoids et de l’obésité ce qui peut expliquer que l’on diagnostique de plus en plus de SOPK.
Notre article parlons boutons & SOPK avec Asso’ SOPK permet d’avoir un point de vue complet sur le sujet.
Que se passe-t-il d’un point de vue hormonal pendant notre cycle ? Comment ces différentes variations influencent-elles notre peau ?
Les femmes ont des variations hormonales liées au cycle menstruel. Le cycle menstruel dure schématiquement 28 jours et on différencie 3 phases :
- La phase folliculaire : du premier jour du cycle (c’est à dire le premier jour des règles) jusqu’à l’ovulation. Elle dure environ 14 jours et est caractérisée par une sécrétion principale d’œstrogènes dont le taux augmente progressivement de jour en jour. Les œstrogènes vont agir au niveau des ovaires sur la maturation des follicules et sur l’épaississement de l’endomètre (la couche interne de l’utérus) pour préparer une éventuelle nidation en cas de fécondation.
- L’ovulation : classiquement au 14ème jour du cycle, qui survient suite à un pic de l’hormone lutéinisante LH (fabriquée par l’hypophyse). Ce pic de LH va déclencher l’ovulation 36h après : le follicule principal, dit dominant, libère alors l’ovocyte (qui pourra éventuellement être fécondé par un spermatozoïde) et se transforme en corps jaune capable de fabriquer une autre hormone : la progestérone
- La phase lutéale : Elle est caractérisée par une sécrétion principale de progestérone. En l’absence de fécondation, les taux d’œstrogènes et de progestérone vont diminuer progressivement jusqu’à la survenue des règles (qui correspond à la desquamation de l’endomètre).
On comprend donc que chaque mois il y a des variations hormonales importantes. A certaines périodes, notamment juste avant et au moment des règles, les taux d’œstrogènes et de progestérone sont bas et la balance hormonale penche plutôt du côté des androgènes, ce qui explique que classiquement l’acné s’aggrave souvent durant cette période.
En cas de déséquilibres hormonaux, quelles sont les solutions que vous pouvez prescrire ?
Comme toujours en médecine, il est important d’identifier la cause pour la traiter en priorité.
Si aucune cause n’est trouvée, comme c’est souvent le cas avec l’acné, on peut envisager des traitements symptomatiques, c’est-à-dire qu’ils vont aider à faire disparaître l’acné temporairement, avec un risque de récidive à l’arrêt du traitement.
On conseille très souvent d’allier la prise en charge à un traitement dermatologique.
Pour ce qui est des traitement prescrits en endocrinologie :
- La pilule combinée oestro-progestative : elle est habituellement prescrite comme moyen de contraception mais elle peut aussi être prescrite en cas d’acné. Attention, il faut vérifier au préalable l’absence de contre-indication et informer les patientes des risques potentiels et des effets indésirables (lire notre article ici).
- On peut aussi prescrire un traitement qui s’appelle la Spironolactone. Il s’agit d’un médicament utilisé habituellement en cardiologie et dans l’hypertension arterielle. La prescription de ce traitement se décidera au cas par cas.
Est-ce qu’une consultation avec un endocrinologue peut être complémentaire avec une approche plus holistique / naturelle ?
Oui tout à fait. La prescription des médicaments dont je vous ai parlé juste avant n’est pas du tout systématique, ni obligatoire. C’est vraiment quelque chose que l’on discute avec ses patientes et on décide ensemble du traitement.
Mais en effet, on peut choisir de se tourner vers une prise en charge plutôt nutritionnelle et/ou dermatologique – sans forcément associer une pilule ou la Spironolactone.
On a d’ailleurs écrit un article avec une dermatologue : parlons boutons avec Dermato Drey.
Est-ce que les hommes peuvent avoir des dérèglements hormonaux? Si oui, peuvent-il être source d’acné? Quels types de traitements administrez-vous aux hommes?
Oui les hommes peuvent avoir des dérèglements hormonaux. En terme de fréquence, l’acné de l’homme adulte est beaucoup plus rare (autour de 2-3%) par rapport aux femmes (autour de 15-20%). Mais l’acné sévère peut également toucher l’homme adulte.
Comme chez les femmes, l’acné peut être liée à un excès de production d’androgènes (par une maladie des testicules ou des surrénales), mais cela reste exceptionnel. C’est finalement assez rare de trouver une cause hormonale dans l’acné de l’homme.
En terme de traitement, on privilégie également le traitement de la cause lorsque cela est possible. Si aucune cause n’est trouvée, le traitement est classiquement dermatologique. Pour être honnête, il est rare de voir des hommes dans les cabinets d’endocrinologie pour un problème d’acné !
Lire notre article l’acné hormonale chez l’homme
Pourquoi pensez-vous qu’il y a moins d’acné chez l’homme adulte ?
Les hommes ont des taux d’androgènes nettement plus élevés que les femmes. De plus, la sensibilité de leur récepteur n’est pas la même.
Du coup, en cas de petite augmentation d’androgènes, cela sera moins significatif chez l’homme puisque les taux de base sont plus élevés: ce petit pourcentage d’augmentation sera finalement faible et n’aura pas forcément de traduction clinique.
De plus, la principale cause hormonale d’acné chez la femme est le syndrome des ovaire polykystiques et cela n’existe pas chez l’homme (puisqu’ils n’ont pas d’ovaires).
D’un point de vue hormonal, quelle est la différence entre l’acné de l’adolescence et l’acné à l’âge adulte ?
L’adolescence est associée à la puberté, c’est-à-dire à la mise en activité des ovaires et des testicules. Lors de cette mise en marche, il y a une arrivée brutale d’hormones dans le sang, en particulier d’androgènes.
Comme tout est une question d’équilibre cette période va être critique et il va souvent falloir un petit temps d’adaptation à l’organisme, et en particulier à la peau, pour réguler cet afflux d’hormones.
A noter, les glandes surrénales se mettent en activité avant les ovaires et les testicules et fabriquent aussi des androgènes. Cela peut expliquer l’apparition d’acné chez des jeunes patients qui n’ont pas encore commencé réellement leur puberté.
Qu’est ce qui explique selon vous la présence de plus en plus importante des déséquilibres hormonaux?
Très bonne question ! A laquelle nous n’avons pas de réponse précise à apporter à ce jour. On parle beaucoup du rôle des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire de l’impact de l’environnement (cosmétiques, alimentation, pollution, pesticides) sur notre peau.
Il y a également un réel impact du surpoids et de l’obésité mais aussi du stress. Ce sont des facteurs qui sont en augmentation dans nos sociétés actuelles.
Enfin, la piste du microbiote intestinal (litre notre article à ce sujet ici), très étudiée dans divers domaines en médecine actuellement, serait probablement intéressante à investiguer.
Conclusion: le lien entre acné et hormones
L’endocrinologie est un monde à part et un peu complexe! On a essayé dans ce podcast, d’expliquer les choses simplement et de vous donner des pistes pour comprendre le lien entre l’acné et les hormones. Mais il faut avoir en tête que tout n’est pas encore bien compris et élucidé.
Des études sont encore nécessaires afin de mieux comprendre le problème de l’acné de l’adulte et de trouver des traitements adaptés qui répondent aux problèmes de nos patient(e)s.
De plus, tout est une question d’équilibre, de balance et de régulation. Et nous n’avons pas tous la même sensibilité aux hormones. Certains patients sont plus sensibles, d’autres plus résistants à de grands déséquilibres. Une prise en charge personnalisée est donc nécessaire.
Dans le cadre de l’acné, il peut être intéressant de réaliser une consultation avec un endocrinologue, en particulier si l’acné est sévère ou résistante aux traitements dermatologiques.
Cela peut être aussi important de consulter si l’acné est associée à d’autres signes, comme un excès de pilosité, un trouble des règles (allongement des cycles menstruels au-delà de 35 jours), une prise de poids inexpliquée.
Cela permet de proposer une prise en charge personnalisée à chaque patient (selon ses autres soucis de santé, son type d’acné, les traitementsF déjà essayés, ses préférences).
Nous n’avons pas une recette miracle que l’on applique à chaque fois ! Mais nous avons toujours quelque chose à proposer, médicamenteux ou non. Encore une fois, la prescription d’un traitement hormonal n’est pas systématique : le médecin et le patient choisissent ensemble le traitement qui semble le plus bénéfique et le plus adapté.
Le Docteur Erika Cornu est endocrinologue et consulte dans le 15e arrondissement. Elle est la remplaçante régulière du Docteur Aurélie Rousseau.
Docteur Aurélie Rousseau & Docteur Erika Cornu
2, rue Ferdinand Fabre 75015 Paris (métro Convention)
Prise de rendez vous :
Via Doctolib: https://www.doctolib.fr/endocrinologue/paris/aurelie-rousseau (Dr Aurélie Rousseau : lundi, mardi, jeudi, vendredi / Dr Erika Cornu : mercredi)
Par téléphone : 01 77 45 67 64